Ce jeudi 29 avril, le CePAS proposait aux professionnels du secteur psycho-socio-éducatif une deuxième formation en ligne sur la mise en place d’espaces de parole régulés. Celle-ci était animée par Bruno Humbeeck, psychopédagogue et directeur de recherche au sein du service des Sciences de la famille de l'Université de Mons*.
Préférant parler de diffusion de techniques plutôt que de formation, le psychopédagogue a commencé par rappeler les grands principes de ces espaces. Ceux-ci serviraient à libérer l’engourdissement psychique et la parole, et à révéler les secousses émotionnelles. Selon lui, on parle “d’une mise en scène de l’expression de l’émotion pour la rendre contagieuse”. Plus encore, les espaces de parole régulés doivent faire en sorte que ces émotions créent du mouvement.
Sur une vingtaine de participants à la formation, trois écoles avaient d’ores et déjà lancé ou testé ces espaces. Selon Bruno Humbeeck, dans cette pratique, une maîtrise complète du climat de la classe est nécessaire. Il ne s’agit pas d’améliorer le processus progressivement.
Aussi, il est fortement déconseillé de libérer la parole si celle-ci n’est pas protégée. Car l’espace de parole régulé n’est pas un lieu où les enfants et adolescents s’expriment par envie mais bien par nécessité. Pour le spécilaiste de la résilience, inviter à prendre la parole serait équivalent à chatouiller un jeune dans un contexte particulier qu’il faut créer pour éviter toute interprétation ou moquerie et pour éviter de provoquer une charge aggressive dans l’environnement relationnel.
Les émotions se disent mais ne se contredisent pas
L’espace de parole régulé n’est pas à confondre avec l’espace de dialogue ou de parole concerté, mais il est complémentaire à celui-ci. Il permet bien d’exprimer des émotions, non pas des opinions qui elles se contestent. On pose ici la question: “qu’est-ce que vous ressentez?” et non pas: “qu’est-ce que vous pensez?”
Les émotions vécues inévitablement par tout élève sont la joie, la tristesse, la colère, le dégoût et la peur. Bruno Humbeeck a rappelé que non seulement le bien-être continu n’existait pas, mais qu’il était sain de ressentir ces différentes émotions. Il a alors évoqué ce qu’il appelle des “guichets” par rapport à l’accueil de ces émotions. Dans le cadre d’un espace de parle régulé, le premier “guichet” consiste à poser la question: que ressens-tu? L’émotion sera partagée par le biais d’un émoticône. Le deuxième “guichet” pose la question: pourquoi ressens-tu cette émotion?
Il faut alors respecter différentes règles:
1. Ne jamais interrompre la personne qui s’exprime
2. Seul l’adulte donne et reprend la parole à l’aide d’un bâton de parole
3. Ne jamais contester les propos. “On ne nomme pas, on n’accuse pas”
4. Inviter le groupe à trouver une solution: “que peut-on faire pour l’aider?”. Si personne ne réagit au bout de quelques minutes, l’adulte exprimera à son tour l’émotion que lui provoque ce silence par l’affichage d’un émoticône. Le piège à éviter est d’intellectualiser la situation
5. Régularité et fréquence juste pour l’organisation des espaces de paroles régulés
En terme de méthodologie, il faut faire un cercle, prévoir des émoticônes et un bâton de parole.
A la question comment réagir aux mensonges ou aux fortes révélations, le spécialiste répond que le mensonge n’existe pas dans l’expression d’une émotion. C’est par rapport à une situation que l’on peut mentir. Aussi, il ne faudrait en aucun cas laisser une émotion inerte, en sachant que le silence y compris joue un rôle en créant une certaine tension qui appelle à la participation. L’adulte est donc invité à se réconcilier avec ce silence qui souvent nous est insupportable. Un geste peut par exemple venir compléter un silence. Bruno Humbeeck affirme que dans une situation de réconfort, seul l’adulte sera rassuré par un flot de paroles.
Quand organiser les espaces de paroles régulés?
Pour ce qui est du timimg favorable, le docteur en Sciences de l’éducation propose à titre préventif de les mettre en place en septembre. Il précise que toutes les méthodes pratiquées avec les élèves sont valables, l’espace de parole régulé sera une méthode complémentaire spécifique avec un objectif précis.
On mettra en place la technique si une concertation est nécessaire, souvent en cas de problème générant une souffrance. Notons que la haute saison du harcèlement par exemple se situe entre janvier et mai. Il convient aussi de prévenir les parents de la mise en place de ce processus.
Il est par contre fortement déconseillé de pratiquer l’espace de parole régulé en cas d’infraction à la loi, suite à un cyberharcèlement par exemple. C’est alors le “conseil d’éducation disiplinaire” qui sera plus approprié pour la construction du vivre-ensemble.
Enfin, Bruno Humbeeck rappelle que ce qui freine souvent l’organisation de tels espaces est la peur d’être débordé. Il ne faut donc pas hésiter à se faire accompagner et privilégier un binôme composé avec quelqu’un qui a un regard externe à la classe.
Une troisième formation destinée aux professionnels est prévue le 10 juin 2021. Infos et inscription sur le site de l’IFEN.
*Bruno Humbeeck est l’auteur de plusieurs ouvrages dont l’un des derniers s’intitule
“Quelles pédagogies pour mon enfant ?“ (www.editionsmardaga.com)