Nos élèves ont profité de ces aménagements et étaient reconnaissants d’avoir l’opportunité de ne pas être désavantagés à cause d’un handicap, qu’il soit ponctuel ou chronique… Il n’y a aucun doute que ces aménagements aient encouragé la motivation et la persévérance de ces élèves sans pour autant les avantager de façon déloyale par rapport à leurs camarades de classe.
Quelle est la situation actuelle des aménagements raisonnables ?
Aujourd’hui, la commission des aménagements raisonnables (CAR) qui traite des situations scolaires spécifiques est composée de sept membres qui se réunissent 2 à 3 fois par mois pour se concerter sur les dossiers en cours. En 2021, dans un contexte de crise, la CAR a pu recenser 211 dossiers individuels en présence des élèves, parents et personnes de références. Un représentant de la médecine scolaire, un commissaire du MENJE et/ou un représentant de la formation professionnelle peuvent se joindre aux réunions pour partager leur expertise.
Avec l'essor qu'a connu la CAR, elle a dû s'adapter pour répondre au mieux aux demandes pour venir en aide aux élèves souffrant d’une déficience ou incapacité.
Dans quel cas peut-on introduire une demande ?
Le déclencheur initial pour introduire une demande est la souffrance de l’élève dans son environnement scolaire. Cette problématique peut être détectée par les parents ou par les enseignants. L’élève, qu’il soit étudiant de l’enseignement secondaire, de l’école des adultes ou de la formation professionnelle, doit être inscrit dans un établissement et être souffrant d'une déficience ou incapacité définie comme "des particularités mentales, sensorielles ou motrices ou des difficultés d’apprentissage ou d’adaptation dont les répercussions l’empêchent de faire valoir lors des épreuves d’évaluation les compétences acquises et qui sont telles que ces empêchements puissent être palliés par les aménagements raisonnables."
Bien que les raisons pour l’introduction d’une demande puissent être multiples, l’analyse des données statistiques de la CAR montrent que les « troubles d’apprentissages » représentent la majorité des demandes.
Quels aménagements sont fournis pour compenser ces déficiences ?
Chaque demande fait l’objet d’une appréciation individuelle pour trouver la solution la plus appropriée aux obstacles que rencontre l’élève. Les aménagements raisonnables peuvent être très divers : majoration du temps lors des épreuves, recours à des aides humaines ou technologiques (vidéo agrandisseur ou loupe, calculatrice, etc.), présentation adaptée des questionnaires, dispense d’une partie des épreuves obligatoires prévues pour un trimestre, etc.
Les élèves avec des troubles liés à la difficulté de lecture (p.ex dyslexie ou dyscalculie) évoquent la présentation adaptée des questionnaires d'examen comme piste de solutions. Un exemple d’adaptation peut impliquer le changement de la taille, de la couleur, du format, de l’espacement de la police de caractères, de la couleur ou de la taille du papier.
Interview avec Mario Huberty, président de l'association dysphasie et membre de la CAR
Qu'entendez-vous par troubles de l'apprentissage ?
M.H. - Ce sont des troubles de la parole, du langage écrit et des mathématiques (dysphasie, dyslexie, dyspraxie et dyscalculie). Elle doit déchiffrer les mots syllabe par syllabe et les phrases mot par mot. C'est un vrai handicap.
Quel était l'idée initiale ou l'élément déclencheur pour instaurer une commission des aménagements raisonnables au Luxembourg ?
M.H. - On a constaté qu'il y avait déjà des procédures pour les écoles primaires, mais aucunes pour le secondaire. Il y avait pourtant un réel besoin, car les troubles ne disparaissaient pas.
De l’avant-projet à la loi CAR : quels obstacles étaient à surmonter ? Qui étaient les premiers membres et comment se sont-ils retrouvés ?
M.H. - L'association des parents d’enfants de l'association Dysphasie au Luxembourg avait entamé des discussions avec le ministère. Madame Elisabeth Reisen et moi-même (en tant que président de cette association) étaient rapidement tombés d'accord sur le fait qu'il y avait une nécessité de créer une telle commission. Par l'intermédiaire du ministère, des contacts avec les directions de l'enseignement secondaire s’étaient établis et les négociations ont pu commencer pour trouver des communs accords. Ainsi, il a été convenu qu’il devrait y avoir une participation en présentiel des élèves et de leurs parents à la réunion de concertation, que le Conseil supérieur des personnes handicapées devrait être représenté. Après de nombreuses discussions, 11 points d’aménagements de la CAR ont été retenus (plus tard, un 12e point a été ajouté) et le projet de loi s’est concrétisé en tant que compromis entre les différents organes et représentants. Finalement, le chemin était préparé pour la création de la loi du 15 juillet 2011 visant l’accès aux qualifications scolaires et professionnelles des élèves à besoins éducatifs particuliers.
Vous êtes membre de la CAR depuis 10 ans. Quelle motivation y retrouvez-vous ?
M.H. - Ma motivation était et reste d’aider et de mieux comprendre les doléances auxquelles on est confronté. Il ne faut pas négliger le fait que je sois le seul membre venant de l‘extérieur. J'apporte donc un regard extérieur qui peut parfois différer de ceux des membres de la commission. Tous travaillent dans le domaine de l’enseignement secondaire dans le domaine éducatif ou psycho-social.
Et l'avenir de la CAR ?
M.H. - La CAR a démontré son fonctionnement efficace pendant ces 10 dernières années. On peut toujours améliorer les choses en évoluant avec le temps et les besoins du terrain. Je serais ravie de voir la CAR s‘élargir avec de nouveaux membres qui feraient le lien entre le fondamental et le secondaire. Je suis convaincu que la présence d‘un directeur d‘arrondissement et d‘un enseignant de l‘enseignement fondamental, ainsi que d‘un représentant d‘une association reconnue d‘utilité publique d’une maladie non visible contribuerait à améliorer la qualité de nos services. Ces présences permettraient de rassembler d'autres points de vue de divers acteurs du terrain pour permettre une meilleure transition entre le fondamental et le secondaire. Le but ? Apporter une aide rapide et efficace aux concernés et leurs familles.